Catherine Croiziers de Lacvivier

« Je ne lâche rien ! »

C’est en 2008, et déjà avec beaucoup d’avance, qu’elle décrit le futur du DSI, en le nommant directeur des ressources numériques, avec un objectif la quête de sens. Son Master II en management des SI à l’Université Technologique de Compiègne lui a permis de maturer toutes ses expériences et de présenter un mémoire intitulé « le DSI catalyseur de sens ». Quel parcours ! Car à l’origine, Catherine est bien loin de cet univers…

Née en Afrique, elle est bercée au rythme des déménagements de la famille tous les 3 ans : Burkina, Madagascar, Les Comores, la Côte d’Ivoire, puis la Nouvelle-Calédonie où elle passe le BAC avec succès. Elle en plaisante aujourd’hui car comme elle le dit « j’ai appris à m’adapter ! ». Ses parents très ouverts d’esprit lui laissent une grande liberté, qu’elle saisit direction l’Australie pour parler anglais. De retour en France elle étudie les lettres étrangères appliquées, bien loin du domaine informatique. Et pourtant ..

« Je suis une sorte de Shiva»

Premier stage, première rencontre avec la bureautique ! C’est grâce à WordPerfect que Catherine découvre l’informatique et elle ne va plus quitter le domaine. Alors assistante de direction, elle adopte l’outil, les applications, intuitivement comprend le fonctionnement et en fait bénéficier les autres. Curieuse, elle ne se contente pas de son intuition, elle veut maîtriser. Elle se forme sans cesse, évolue en permanence et passe respectivement de technicien micro à responsable bureautique, chef de projet technique, ingénieur systèmes, IT Manager, DSI,CDIO. Pour l’anecdote, Catherine raconte en 1988 « j’ai vendu ma voiture pour m’acheter un IBM 386 et j’ai été dans les premières à être certifiée système Ingénieur Microsoft Windows NT »

C’est en rejoignant des SSII que Catherine se nourrit de projets techniques pendant 10 ans. Butiner et passer de projet en projet ne lui convient plus, alors elle rentre chez IFF (International Flavors and Fragrances) en tant que responsable IT du Creative Center. Elle est dans son élément. Elle a les mains libres, elle peut proposer, créer, faire profiter le métier de son apport technologique. Nous sommes en 2000, elle lance un robot pour fabriquer les échantillons de parfum pour les clients, ce qui augmente la production de 40%. Ce premier POC avec une entreprise robotique de Montpelier est une réussite, le déploiement dans les autres Creative Center du groupe est la suite logique.

Avide de découvrir de nouveaux univers et de réussir de nouveaux challenges, c’est l’univers bancaire des DAB que Catherine va rejoindre en mettant en place Diebold France. Elle est responsable du call center qui couvre 22 sites bancaires en 24/7. Elle est la première en France à déployer la téléphonie sous IP (Nortel) pour profiter du maillage avec toutes les banques et filiales. Toujours avec cet esprit pionnier, c’est chez Lefèvre Peltier & associés avocats, que Catherine met en place une GED (Gestion Électronique de Document) en 2011-2013.  « j’ai mis en place une architecture SAN pour un cabinet d’avocat avec un haut niveau de sécurité : deux immeubles, fibre noire. J’ai créé un ECM avant l’heure ! » L’occasion pour elle de faire la Une de Décision informatique en 2013 pour l’architecture web de la GED. Catherine continue : « tout était à portée de clic pour les avocats. Un dossier avec toutes ses composantes. Les contacts, la facturation, la documentation, bref la vie du dossier…déjà au niveau ATAWAD anytime, anywhere, anydevice ».

Ces challenges sont tous aussi passionnants les uns que les autres. Comme elle le précise toujours, ce n’est pas ses succès, c’est celui des équipes. Elle déploie pour l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) un système d’information vraiment innovant, qui est mentionné au journal de 20h pour présenter la première carte interactive en 3D de la rénovation urbaine : « un Google Earth en avance à l’epoque » ajoute-t-elle avec un petit clin d’œil.

« J’aime le bon sens et que l’humain soit respecté dans son travail »

Catherine est de ces animaux qui préfèrent partir et tourner la page, quand leurs valeurs sont mises à mal. Tel un félin, elle rebondit et se lance dans un nouveau projet exaltant. Le conseil supérieur des experts comptables a pas mal de défis à relever. Catherine en fixe un très rapidement :  informatiser et transférer « en ligne » le système d’appel à cotisation pour les 15000 cabinets. La profession étant extrêmement règlementée, elle propose de créer une clé USB pour mettre à jour le vadémécum de la profession avec une carte holistique des sujets traités par le Conseil,  ce qui lui a permis de conduire un véritable projet transverse dans une profession extrêmement silotée.

Tous ces projets ont éveillé Catherine à la sécurité informatique. Elle n’aime pas survoler les sujets, elle a besoin de connaître : elle se forme à la sécurité des usages numériques via une formation organisée en partenariat par le CIGREF et INHESJ (Institut des Hautes Etudes de la sécurité et de la Justice). Elle intègre la première promo et travaille avec les premiers organismes spécialistes de la cyber sécurité.

« J’ai appris le management et la confiance »

Réaliser de grands projets, mener des transformations, réussir à mettre l’outil informatique au service des métiers… tout ça Catherine l’avait fait. Il lui fallait une nouvelle expérience. C’est en tant que manager de transition qu’elle trouve LA société où elle va réellement découvrir quelque chose de nouveau. Un métier, de l’humain (là où elle ne l’attendait pas), des hommes et un esprit d’équipe extraordinaire. Elle arrive dans le monde des due diligence, des audits, de la finance. Elle intègre le fonds d’investissement Apax Partner.

C’est une révélation. La direction est à l’écoute de ses compétences, de ses recommandations. Les échanges sont sereins et constructifs. Elle engage une migration cloud sécurisé et la passe du « on premise » au « tout cloud » avec coffre-fort électronique et de nombreuses innovations. « J’ai beaucoup appris avec eux sur les entreprises, la direction générale, les retournements… j’ai compris que c’était une histoire d’hommes, de confiance et de beaucoup d’intuition ! Cela a été une formidable expérience, et à mis à mal mes préjugés. La remise en question est aussi importante ».

La mission suivante l’amène à l’ESSEC Business School où elle s’amuse : elle teste le bitcoin sur la diplomation, déploie le GPS pédestre pour se diriger dans le campus, crée un dispositif Bluetooth pour faire l’appel, échange avec les autres universités, crée des hackathon… « Je participais aux tables rondes avec les professeurs de philo, sur la complexité avec Edgar Morin, sur des thèmes qui me passionnent toujours. Cette mission était orientée transformation digitale. J’allais au salon EDUCAUSE aux US et je revenais avec des valises remplies d’idées ».

Elle continue de se former et obtient son diplôme de Chief Digital Officer à Centrale. Chez Loxam, loueur de matériel de chantier, elle lance une plate-forme IOT pour « faire parler les engins ! » Et proposer des reports aux clients sur les consommations, la sécurité, les divers services et lance l’agilité. Aujourd’hui, chez SCC France, c’est dans le management que Catherine met son énergie. Elle aime s’entourer des meilleures compétences, de personnalités différentes. Elle aime être bousculée, challengée. « J’ai confiance dans les équipes, ma responsabilité c’est de les aider ». Est-ce son enfance ?, ses voyages, ses multiples formations ? comme elle le dit : « j’aime la mixité, la diversité des profils, l’intelligence collective ».  Digitale native dans l’âme, née génération x, elle raisonne plus avec la z,  elle adore cette jeunesse, les nouvelles idées et apporte beaucoup d’importance aux alternants.

« C’est quoi le pourquoi ? »

Du sens, du sens et encore du sens. Transformation digitale certes ! Mais « Pourquoi on fait ? ». L’informatique est un outil au service de l’entreprise. Il ne change rien : si l’organisation est bancale, si la culture ne se met pas en adéquation avec nos nouvelles façons de travailler, l’outil sera déceptif qu’on l’appelle Digital ou pas… Comme le dit Catherine, « les frontières entre DSI, Digital, métiers internes, clients, partenaires n’existent plus, nous devons travailler tous ensemble ». C’est cette force et ces visions différentes qui l’intéresse : « il faut de tout pour faire un monde, le plus important c’est de se nourrir les uns et les autres pour inventer demain et prendre conscience que nous sommes les crises. Aujourd’hui je m’applique à proposer une vision co-crée et partagée, car même dans notre monde VUCA, l’humain aura toujours besoin de savoir où il va ».

Femme décontractée, très colorée, qui porte volontiers le jean et les baskets, elle enfourche sa moto pour se déplacer dans Paris.  Catherine, c’est une curieuse, une observatrice, qui a plein de passions : la BD, le dessin, la philo, les road-trip moto, le Hardrock et surtout l’humain !.

C’est un esprit qui parle en images avec un humour décapant, on l’entend souvent dire avec le sourire « c’est une blague ! »

Par Caroline Raveton